La dinanderie tient son nom de la ville de Dinant, près de Liège en Belgique, laquelle, au Moyen-Age, s'était spécialisée dès le XIe siècle dans les ouvrages en cuivre repoussé et orné d'incrustations de métal argenté. Ce procédé, pour être connu des Perses et des Arabes, trouva néanmoins une nouvelle expression sous les maillets de buis de ces ouvriers chrétiens de la vallée de la Meuse.

L'art de la dinanderie consiste à exécuter des pièces en utilisant exclusivement une simple feuille de métal plat, et à la refermer sur elle-même en la battant au marteau pour former un vase, un plat, une verseuse, sans découpe d'aucune sorte, soudure ou rajout. Plusieurs opérations successives sont nécessaires pour aboutir à la pièce finale : la mise en forme qui est une opération extrêmement délicate, le planage et, pour finir, le décor.

Pour la mise en forme, la surface du métal devant être utilisée est bien évidemment fonction de la pièce à réaliser. Pour monter au marteau un vase de 30 cm de haut, Jean Dunand indiquait qu'il utilisait une plaque de 40 cm de diamètre. Généralement, les feuilles de cuivre ou de laiton utilisées ont 12 à 15 dixièmes de millimètres d'épaisseur. Ce disque de métal, qui est le point de départ de toute dinanderie, s'appelle un flan. La première opération consiste à emboutir cette feuille de métal à l'aide d'un maillet de buis qui, tout en étant extrêmement dur, n'endommagera pas l'épaisseur du métal. On pose d'abord le flan sur un billot de buis creux pour lui donner la forme d'une coupelle en frappant uniquement la face intérieure de la plaque. Puis, par frappes successives, on accentue cette cuvette en la faisant de plus en plus profonde jusqu'à en faire une sorte de bol élargi. Une fois accomplie cette déformation par l'intérieur, on procède alors au martelage par l'extérieur en retournant la pièce et en la posant sur un bras de fer, la potence, qui présente à son extrémité un trou destiné à recevoir une pièce d'acier de forme appropriée au travail désiré, appelée tas. Cette frappe par l'extérieur, exécutée en utilisant la panne allongée et arrondie d'un marteau spécial, se nomme retreinte. L'élasticité moléculaire du métal permet, petit à petit, après plusieurs passes menées en spirale autour de la pièce, de diminuer son ouverture jusqu'à pratiquement la refermer au diamètre désiré. Malheureusement, après chaque passe, sous l'effet des coups répétés, le métal a perdu de sa souplesse naturelle et est devenu extrêmement cassant. On dit alors que le métal est recroué. Pour éviter tout risque de brisure, il convient alors, avant de commencer une nouvelle passe, de chauffer le métal au rouge afin de lui redonner sa souplesse d'origine. Cette opération, que l'on appelle le recuit, ne doit être effectuée que sur la face extérieure de la pièce. Ainsi, par opérations successives de retreintes et de recuits, on finit par obtenir la forme et le diamètre désirés (photo des différents stades).

Si ces opérations sont simples à décrire, elles nécessitent toutefois une grande habileté car, indépendemment du fait qu'il faut toujours avoir prévu de laisser suffisamment de métal à pousser pour arriver sur le bord extérieur, il faut aussi toujours garder à l'esprit qu'une certaine épaisseur doit être maintenue, celle-ci étant fonction du travail que devra supporter la pièce à cet endroit. Certains points devant être renforcés alors que d'autres peuvent être très minces. Par ailleurs, l'opération de chauffe est, elle aussi, extrêmement délicate car il faut la mener progressivement tout en maintenant la pièce chaude dans son entier pour qu'elle ne casse pas ou ne se déforme pas. De même, le refroidissement, qui peut être selon le cas lent ou rapide, doit être effectué avec prudence.

Le travail au marteau, aussi régulier et précis qu'il soit, donne au galbe une souplesse qui est pratiquement invisible à l'oeil nu sur la surface du métal, mais se sent très légèrement au toucher. Le planage est destiné à atténuer ces traces de martelage ou, au contraire, à les réguler pour en tirer un effet décoratif. Il s'effectue sur un tas en acier en frappant la pièce à petits coups rapides et forts, pratiquement au rythme de 200 coups à la minute, en les imbriquant les uns sur les autres, aussi serrés que possible et en les menant en spirale à l'aide d'un marteau plat, lisse et poli comme un miroir. Ce planage peut être parfaitement uni ou au contraire facetté d'après l'effet décoratif désiré, selon qu'on utilise un marteau plat ou légèrement bombé.

Le décor de la surface de la pièce peut être le résultat du planage qui conduit à de beaux effets de martelages réguliers facettés ou lancéolés, mais il peut être aussi le résultat d'un travail à l'acide et au feu destiné à lui donner des patines colorées ou des effets de bronzages brun, noir ou or. D'autres fois, c'est à l'aide d'enduits de cires que l'on recouvre les parois de la pièce, ou encore de laque comme le fit souvent Jean Dunand. Mais le "nec plus ultra", dans la plus belle tradition de ce métier, consiste à orner la surface de la pièce soit par le repoussé et la ciselure, soit par l'incrustation de métaux de couleurs différentes ou encore à la recouvrir d'émaux vitrifiés.

Dans le repoussé, le mot s'explique par lui-même. Le procédé consiste, sur une pièce plate de forme ouverte laissant accès au passage des outils, à placer, par report, un tracé du dessin choisi. On le dégage ensuite en relief sur la surface en exécutant des petits coups de ciselet frappés par en dessous. Ceux-ci apparaissent avec plus ou moins de volume et peuvent ensuite être repris en ciselure pour leur donner plus de netteté.

En revanche, lorsque la pièce à décorer présente une ouverture étroite, le dinandier ne peut se servir de son outillage traditionnel. Il utilise alors, pour réaliser son repoussé, ce que l'on nomme une recingle. Cet outil de 60 cm de long se compose de deux branches de métal superposées. Celle du dessous, droite et horizontale, se fixe dans un étau par une extrémité. Son autre extrémité, qui est celle que l'on introduit à l'intérieur de la pièce, est coudée vers le haut sur 2 cm et se termine par une petite boule destinée à frapper le métal. Selon le travail à exécuter, cette boule peut varier de grosseur ou être remplacée par un traçoir, un perloir, ou toute autre forme de terminaison nécessaire au décor voulu. La branche du dessus, appelée guide, est en arc de cercle. Elle est placée de telle manière que son extrémité libre surplombe l'endroit précis où se trouve, à l'intérieur de la pièce, la tête de la première branche. Le dinandier frappe la branche horizontale à la sortie des mâchoires de l'étau et, ce faisant, il imprime à toute la tige des vibrations qui se répercutent amplifiées à sa tête. Cette tête agit alors comme un petit marteau et frappe l'intérieur de la cloison de métal, repoussant la matière vers l'extérieur par petits coups répétés. Les reliefs qui apparaissent par bossuages successifs donnent un décor assez mal défini, aux contours mous. On reprend alors ce relief par l'extérieur en le soumettant à la ciselure. C'est un travail extrêmement délicat qui peut crever la surface du métal si l'on n'y prend garde. Pour effectuer son travail de ciselure et de gravure, Jean Dunand possédait près de 3000 petits ciselets de toutes formes et de toutes dimensions, la plupart fabriqués par lui-même.

Le travail d'incrustation peut s'effectuer quant à lui de diverses façons. Il y a d'abord ce que l'on nomme la damasquinure d'or et d'argent, travail originaire de Damas en Syrie et dans lequel se spécialisèrent dès le XIVe siècle les orfèvres de Tolède en Espagne. Il s'opère sur acier doux en gravant de fines lignes croisées semblables à une résille, dans lesquelles on applique des fils d'or et d'argent selon le dessin retenu. Ces fils sont ensuite écrasés au maillet pour bien pénétrer la trame du métal dans ses aspérités. Cette technique est fragile et présente l'inconvénient d'empêcher toute reprise ou polissage. Les objets apparaissent donc de ce fait sans brillant et restent mats, ce qui n'est pas toujours du meilleur effet. Jean Dunand préféra réaliser de véritables incrustations en creusant de petits sillons au burin dans la surface du métal, puis en les reprenant de façon à leur donner un profil en queue d'aronde. Dans ces gorges, on introduit alors des fils d'argent ou d'or avant de frapper les deux lèvres de la queue d'aronde qui, en se refermant sur les fils, laisse apparaître un fin tracé que l'on peut laisser en relief ou affleurer au rifloir ou encore polir avec le reste de la pièce.

Une autre technique d'incrustation fut mise au point par Jean Dunand. Elle consistait à appliquer, sur un métal fondant à une température donnée, de la limaille d'un autre métal fondant à un degré inférieur. Ce dernier étant alors fixé sur son support par la flamme d'un chalumeau. Dunand arrivait ainsi à couler de l'or ou de l'argent sur du cuivre rouge, du laiton ou du maillechort sans qu'on en puisse voir les raccords.

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