1939-1942

En 1939, Dunand fut sollicité une nouvelle fois pour décorer le Pavillon de la France à l'Exposition internationale de New-York. C'est donc le 24 mars que Jean Dunand présentait, sur invitation nominative, dans son atelier, L'Epopée de la République, qu'il avait exécutée, d'après un carton de Jean Dupas, en laque rouge sur un immense panneau de forme cintrée. Elle était destinée à être placée dans le hall d'honneur du Pavillon français qu'avaient construit les architectes Roger Expert et Pierre Patout. D'autre part, dans un salon de Leleu, on pouvait admirer une superbe commode galbée gainée de galuchat blanc et gravée d'un décor à l'or, ainsi que le grand panneau en laque brune à décor de biches déjà exposé à Paris en 1937. A l'abri des remous européens, la manifestation de New-York prouvait que non seulement le goût de la somptuosité n'était pas mort en France, mais aussi que notre pays restait à la tête du mouvement des arts décoratifs.

Les services culturels de l'Ambassade de France organisaient par ailleurs, dans leurs bureaux de la Cinquième Avenue, une exposition de reliures modernes, où Schmied et Dunand figuraient en bonne place. Exécutées en cuir mosaïqué à filets d'or et d'argent, incrustées de plaque d'ébonite ou d'argent à décor laqué, certaines étaient rehaussées de nacre blanche, de poussières de burgau, de coquilles d'oeuf et de limaille de métaux précieux. Ces reliures assemblaient, avec autant d'originalité que de préciosité, des ouvrages étourdissants de mises en page et d'illustrations. Ces illustrations avaient été "laquées" à la main dans les ateliers de Dunand, à la manière des miniatures persanes, avec de la peinture pour enluminures.

En mai, à la manifestation de la Nationale, Jean Dunand présentait un paravent à décor d'échassiers. Il participa ensuite au Salon des Artistes décorateurs, et, en novembre, à un Salon organisé par la Ville de Paris, bien que la guerre ait été déclarée.

Comme tous les hommes en âge d'être mobilisés, les trois fils aînés de Dunand, Bernard, Pierre et Jean-Louis, partirent pour le front.

En 1940, le Salon eut lieu au Palais de Chaillot, du 3 au 25 avril. Il regroupait cent cinquante exposants appartenant aux diverses associations artistiques. Malgré les difficiles conditions - dues à la guerre - dans lesquelles devaient travailler les artistes, tous y participèrent, soit qu'ils aient été effectivement présents ou que leurs familles aient jugé indispensable qu'ils y soient représentés. Jean Dunand exposait deux paravents, l'un tout en moires argentées et mordorées figurant un ânon sur une montagne, l'autre gris soutenu d'or à décor en semi-relief d'une figure de biche. Au Pavillon de Marsan, à l'entrée du hall de l'Union centrale des Arts décoratifs, Dunand exposait le paravent Les Cagnas de l'Argonne qui faisait partie des collections du Musée des Arts décoratifs.

Après l'Armistice de juin 1940, seul Pierre revint à la maison. Bernard, qui ne devait plus revoir son père, avait été fait prisonnier et se trouvait en Allemagne, dans un camp d'officiers. C'est là-bas que, par la grâce de Dieu, il découvrit en Jésus-Christ son Seigneur et Sauveur ; il Lui resta fidèle jusqu'à sa mort, en 1998. Revenu en France après la Libération, il continua de se consacrer à l'art de la laque ; artiste à part entière, il produisit une oeuvre d'un style très personnel, témoignant d'une grande maîtrise technique et esthétique. Jean-Louis, élève officier de l'école de cavalerie de Saumur, fut tué le 20 juin 1940 (veille de l'Armistice) à Gennes sur la Loire, en résistant héroïquement avec son escadron à l'attaque d'une unité allemande dix fois plus nombreuse. Il avait 22 ans. Son nom a été donné au square de l'Aspirant-Dunand, situé dans le XIVème arrondissement de Paris.

Organisé en un temps record, le Salon d'Automne ouvrit ses portes le 16 novembre. Le catalogue général, établi par René Henri, indiquait pour Jean Dunand : "Placé au fond,... un paravent de toute beauté représentant des cygnes en laque et une table rectangulaire avec tiroir laqué noir et coquille d'oeuf dégradée en bordure."

En janvier 1941, c'est une exposition d'entraide qui eut lieu au musée Cognacq-Jay. Dunand y participait avec des vases en dinanderie laquée. Une sorte de rétrospective des ouvrages d'art décoratif créés depuis cinq ans est organisée en mars au Pavillon de Marsan. Jean Dunand y expose plusieurs de ses oeuvres et y fait figurer aussi celles de son fils Bernard, toujours prisonnier en Allemagne. En avril, Jean Dunand expose au Salon des Artistes français un petit meuble en laque noire à décor de poissons, ainsi qu'un paravent à quatre feuilles au décor identique.

Le Salon des Tuileries se tient au Palais de Tokyo, avenue de New-York, au mois de juin. Jean Dunand reste fidèle à sa formule de paravents somptueux, "l'un bronzé aux reflets d'argent évoque les cloisonnés persans, l'autre rutilant d'or nous transporte en pleine forêt automnale avec deux biches". Le Salon d'Automne se tient en octobre au Palais de Tokyo. Jean Dunand y expose une table ronde en laque rouge et un très beau et précieux paravent en laque bleue gravée, La Chasse. Au XXXIIIème Salon d'Hiver, toujours au Palais de Tokyo, on peut admirer un très beau portrait de Suzy Solidor que Dunand avait exécuté en laque quelque temps auparavant.

Le secrétaire général aux Beaux-Arts achète à l'atelier de Dunand une bibliothèque à vitrage central, laquée noir et à décor de cigognes dorées. Puis, c'est le Mobilier national qui se porte acquéreur de tout un ensemble de mobilier comprenant un bureau de dame à décor de poissons, une table coiffeuse en laque brune avec son fauteuil, un jeu de deux tables gigognes en laque noir et coquille, un paravent à huit feuilles à décor de poissons, un autre à décor de chasse mais à quatre feuilles, un troisième à six feuilles à décor de fleurs et un dernier paravent à quatre feuilles à décor de forêt.

Fatigué, malade, épuisé de chagrin par la mort de son fils Jean-Louis et la captivité de son fils Bernard, Jean Dunand s'éteint le 7 juin 1942 à l'âge de 65 ans. Sa dernière oeuvre, inachevée, fut un panneau en laque et coquille d'oeuf sur lequel il travaillait encore la veille de sa mort. Il représente l'église d'Estaing dans le Lot.

"Paris, 9 juin. - M. Jean Dunand est mort. Avec lui disparaît une des principales figures de l'art décoratif contemporain. Il était membre du Comité du Salon des Artistes Décorateurs et exposait dans les principaux salons." Le Figaro n° 139 du 10 juin 1942.

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