1931-1934

La participation de Jean Dunand à l'Exposition coloniale de Vincennes, est suffisamment marquante pour provoquer un nombre impressionnant d'articles dans la presse. L'inauguration de l'Exposition avait eu lieu le 17 mai 1931 par Paul Reynaud, alors ministre des Colonies, et Maurice Petsche, sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, sous la haute autorité du maréchal Lyautey, qui avait été nommé commissaire général de l'Exposition.

Outre les sept panneaux constituant le vestibule et les deux grands vases disposés sur le palier qui mène aux deux salons-bibliothèques du premier étage du Palais Permanent des Colonies (qui devait devenir une fois l'Exposition terminée le musée des Colonies, pour être aujourd'hui le musée des Arts Africains et Océaniens), on retrouve dans l'une des bibliothèques de ce même bâtiment le panneau Forêt de 1929. Cette luxueuse composition, pleine de fantaisie, est entourée de boiseries en palissandre dont la sombre rigueur met en valeur ses qualités éminemment décoratives. Deux autres panneaux de Dunand figuraient par ailleurs à l'Exposition; l'un et l'autre représentaient des femmes africaines. La participation de Dunand à cette Exposition ne s'arrêtait pas là. En effet, dans le pavillon de la Métropole, il avait confié à divers exposants sept paravents et une vitrine de dinanderies, qui se trouvaient répartis entre plusieurs stands de la Haute Couture.

Contrairement à ce qui avait été indiqué à Jean Dunand quand il avait reçu la commande, toutes les pièces présentées ne purent, pour des problèmes budgétaires, être achetées par l'Etat. Dunand, considérant non sans raison que leur place était dans ce futur musée des Colonies, préféra les offrir plutôt que de les démonter. En remerciement, il reçu le Grand Prix de l'Exposition coloniale et une plaquette d'honneur de la Société d'Encouragement à l'Art et à l'Industrie. C'est bien le moins que lui devaient les autorités pour une donation forçée aussi marquante...

Véritable ville flottante, L'Atlantique, qui assurait la ligne Bordeaux - Rio-de-Janeiro - Buenos-Aires, était pourvu du confort le plus raffiné et des commodités les mieux étudiées. Il mesurait 227 m de long et près de 30 m de large, et pouvait transporter 1208 passagers. Ce navire battait en rapidité et en confort tous les autres bateaux étrangers. A la suite d'un concours organisé entre décorateurs, la Compagnie Sud-Atlantique fut conduite à confier l'ensemble des travaux de décoration du nouveau paquebot à différents artistes français. Le thème retenu devait traiter de la faune et de la flore des contrées tropicales. La direction de cette compagnie avait laissé Dunand entièrement libre pour sa réalisation.

Une spacieuse "avenue" de 137 m de long occupait le centre du navire, avec ses boutiques de luxe. Cette artère très parisienne se terminait par un grand hall de forme ovale, conçu par Pierre Patout, surmonté d'une rotonde dont la coupole s'épanouissait à 9 m de haut grâce au soutien de dix colonnes de 7 m. Derrière ces colonnes était placée en hauteur une frise de Jean Dunand, exécutée en laque noire décorée d'or. Il y avait représenté, parmi des joncs stylisés, toutes sortes d'animaux exotiques. Epousant la forme ovale du salon, chaque panneau galbé mesurait 4,70 m de haut. Dans la salle à manger, l'effet était encore plus spectaculaire. Dans chacun des angles, Dunand avait disposé quatre séries de doubles panneaux de 6,50 m de haut. Sur chacun, étaient représentés des animaux différents : zébu, gazelles, tigre, éléphants, zèbre. Au fond de cette salle, Dunand avait placé un immense panneau figurant un vol d'oiseaux migrateurs. L'effet d'ensemble était grandiose. Pour réaliser ces panneaux, Dunand avait dû installer dans ses ateliers les plus grandes presses à bois de Paris.

Malheureusement, cette belle unité de la marine devait brûler le 5 janvier 1933 au large du Cotentin. Toutes les laques de Dunand furent détruites.

Au Salon d'Automne de 1931, la critique enregistre avec satisfaction que Dunand a atteint "ce moment de sa carrière où, d'artisan merveilleux, il est passé Maître ès Arts, dans le plein sens du terme" comme l'écrira un journaliste dans Le Cahier en novembre 1931. Possédant à fond une technique bien à lui, Dunand est désormais certain des effets décoratifs des matières qu'il utilise et de leurs innombrables applications.

En 1932, une illustration de Jean Dunand exécutée dans le goût égyptien est choisie pour la couverture de l'annuaire des Musées nationaux. C'est également en 1932 que Dunand et Schmied participent à une exposition d'art français à Rabat, au Maroc. En avril, à la Société Nationale, Jean Dunand présente un grand paravent de douze feuilles, ainsi que d'autres pièces, réunies dans une vitrine sur le pourtour du hall central. En mai, il expose à nouveau au Salon des Artistes décorateurs.

Ce même mois eut lieu la XIème exposition du groupe Dunand-Goulden-Jouve-Schmied, toujours à la galerie Georges Petit. Dunand y présente, pour la première fois, des mosaïques de sa composition. C'était là le résultat d'une nouvelle passion. Il cherchait depuis plusieurs années le moyen de réaliser des décorations extérieures qui n'aient pas à souffrir des intempéries. Cela fait deux années que Jean Dunand et son fils Bernard se sont rendus en Italie, pour admirer les mosaïques de Venise et de Ravenne, et visiter les fabriques de verre spécialisées dans la mosaïque. Ce sont ainsi huit panneaux relevant de cette technique qu'il présente à l'exposition. Au lieu de s'immobiliser dans le succès, Dunand tente donc, une fois encore, une nouvelle expérience. Mais si la mosaïque le séduit, il n'en abandonne pas pour autant le cuivre martelé ni le laque; douze nouveaux panneaux et cinq paravents sont là pour le rappeler. C'est d'ailleurs l'un de ces paravents que l'administrateur des Beaux-Arts choisit d'acheter pour les collections nationales.

En mars 1933, Jean Dunand, F.-L. Schmied et José Maria Sert reçurent la commande de cartons de tapisseries pour la Manufacture nationale des Gobelins. Du 29 mars au 9 avril 1933, eut lieu la XIIème et dernière exposition du groupe Dunand-Goulden-Jouve-Schmied, à la galerie Charpentier, rue Saint-Honoré à Paris, la galerie Georges Petit ayant fermé définitivement ses portes à la suite du décès de son propriétaire. Jean Dunand y apparaissait une dernière fois en maître de cérémonie. Ses portraits, ses paravents et ses panneaux étaient couverts de figures décoratives où se mêlaient femmes, faune sylvestre et marine ou éléments géométriques de façon toujours aussi attrayante.

En avril, le gouvernement achetait, pour le Mobilier national, le grand paravent à quatre feuilles Forêt en laque or blanc et argent. Jean Dunand signe, cette année-là, l'affiche du XXIIIème Salon des Artistes décorateurs qui se tint au mois de mai. Deux panneaux et un paravent à deux feuilles d'une technique extraordinaire résumaient à eux seuls le génie décoratif de Dunand. Le paravent était un des plus beaux qui soient, et représentait un jeune homme baissant humblement la tête pour offrir une fleur de nacre à une jeune fille souriante assise en face de lui. Un simple trait gravé et rehaussé d'or et de rouge suffisait à tracer les belles figures sur un fond de laque noire. D'une économie de moyens et d'une sobriété graphique extraordinaires, il représentait l'aboutissement des recherches stylistiques de Jean Dunand.

En 1934, le Museum national d'histoire naturelle du Jardin des Plantes parraina une exposition d'animaliers. Ce fut pour Jean Dunand l'occasion de présenter ses dernières créations en laque et coquille d'oeuf avec d'autres oeuvres plus anciennes traitant de thèmes animaliers. Jouant sur les matières et les couleurs naturelles, l'un des paravents exposés figurait des corbeaux qui semblaient avoir été surpris dans un champ de neige. Un panneau en laque représentant un félin s'abreuvant à une mare fut remarqué par la critique qui le considéra "d'une rare beauté". Il y avait également quelques serpents en bronze. Cette même année, Dunand participa également au Salon des Artistes décorateurs, au Salon des Artistes français et à une exposition d'art décoratif au musée Galliera.

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